Quand l’alliance paisible de l’école et de la société paraît ébranlée, quand l’école semble enfoncée dans une crise latente, la plupart des sociologues ne s’en tiennent plus à une conception « simple » de la reproduction selon laquelle l’école serait une sorte de boîte noire enregistrant passivement les inégalités sociales. Bien qu’aucun système scolaire ne paraisse en mesure de neutraliser l’effet des inégalités sociales sur les inégalités scolaires, il semble cependant que l’école joue un rôle propre à travers son organisation, ses méthodes pédagogiques, ses traditions, comme le mettent en évidence les comparaisons internationales des systèmes scolaires qui semblent plus ou moins efficaces et plus ou moins équitables. Depuis une vingtaine d’années, un nombre considérable de travaux, notamment ceux de Marie Duru-Bellat, ont été consacrés aux inégalités de l’offre scolaire elle-même, aux divers « effets » scolaires, à la manière dont l’école « produit » des inégalités.
Bien sûr, les établissements accueillant les meilleurs élèves, qui sont souvent les plus privilégiés socialement, obtiennent de meilleurs résultats que les autres. Mais il apparaît aussi que des établissements socialement identiques n’ont pas nécessairement la même « efficacité ». Ils ne sélectionnent et n’orientent pas les élèves de la même manière, quelques-uns creusent les écarts, d’autres les maintiennent ou les atténuent. Ce qu’on appelle le climat éducatif, la nature des relations entre les enseignants, les élèves et les familles, la cohésion de l’équipe éducative, varient sensiblement selon les établissements. Les uns sont confrontés à l’absentéisme et aux désordres, les autres moins. Il semble que cet « effet établissement » tienne à la mobilisation des équipes éducatives, au style d’autorité des directions et à leur capacité d’attirer les meilleurs élèves au sein d’une catégorie sociale donnée. Dès lors, la carrière d’un élève ne dépend pas seulement de son origine sociale et de ses talents, elle tient aussi à la qualité de l’établis