L’écoute de ce que l’enfant a à dire n’est pas une attitude naturelle pour le pédiatre. Elle est d’autant moins évidente que l’enfant est plus jeune, et que la relation se fait alors en premier par l’intermédiaire des parents, qui interprètent selon leur culture, leur personnalité, ses symptômes, ses manifestations ou son comportement.
Prenons l’exemple de ce qu’il est convenu d’appeler les « coliques du nourrisson ». Ce bébé de quelques semaines crie plusieurs heures par jour, souvent en fin de journée ou la nuit, ne se calme que difficilement dans les bras de ses parents ou en voiture, a un sommeil agité entrecoupé de réveils fréquents. La mère se sent démunie, a l’impression de ne pas satisfaire les besoins de son enfant, et arrive souvent épuisée en consultation ou aux urgences, cherchant une explication aux douleurs de son enfant : « Il doit avoir des problèmes de digestion, il a trop de gaz, son ventre est ballonné… » Dans cette situation fréquente, le rôle du pédiatre est d’examiner l’enfant, de vérifier sa croissance et de s’assurer de l’absence de pathologie somatique. Cela permet dans un premier temps de confirmer que l’enfant est en bonne santé physique, et d’éviter des mesures souvent inefficaces et trompeuses telles qu’un changement de lait, une prescription de médicaments ou d’examens complémentaires. Il faut essayer de trouver les mots qui permettent de faire comprendre à ces parents que les cris de leur bébé sont en fait une expression de ses difficultés à trouver ses rythmes de vie et de sommeil, à se détendre ; il faut chercher à leur redonner confiance dans leurs capacités à s’occuper de leur enfant.
La recherche des besoins et du bien-être d’un jeune enfant ou d’un nourrisson est aussi une manière d’être à son écoute. À titre d’exemple, la manière d’expliquer aux parents dans un service de pédiatrie certaines dispositions, en faisant parler le bébé à la première personne, témoigne de l’attention que l’équipe soignante porte à l’enfant hospitalisé.
Être à l’écoute de la parole de l’enfant, c’est encore lui permettre d’exprimer ce qu’il ressent physiquement en étant attentif aux besoins et aux souffrances de son corps (Leblanc, 2002). À titre d’exemple, la reconnaissance et la prise en charge de la douleur ont beaucoup évolué ces dernières années. Il existe maintenant dans certains hôpitaux pédiatriques des unités ou des services spécialisés. Des recommandations officielles, des banques de données et de nombreux documents d’information sont diffusés. Cette prise en compte concerne non seulement les grands enfants qui sont capables, à condition qu’on le leur demande, d’exprimer et de quantifier leur douleur, mais aussi les nouveau-nés et les nourrissons, pour lesquels des échelles d’évaluation et des traitements spécifiques ont été instaurés. Malgré cette évolution, les enquêtes sur les pratiques montrent que chez beaucoup de médecins, la douleur de l’enfant est encore trop souvent non reconnue ou insuffisamment traitée car non recherchée.
L’écoute de l’enfant ou de l’adolescent est un état d’esprit qui doit se former et se renouveler. La confrontation des pratiques professionnelles est à cet égard toujours instructive. Voici un grand enfant amené par ses parents chez son pédiatre pour un retard de croissance. Il est bien sûr toujours utile de demander à ses parents comment il vit ce problème, mais il est souvent encore plus instructif de lui proposer d’en discuter seul avec lui. En pratique, les parents acceptent en général facilement de sortir pendant la consultation si leur enfant le souhaite, et il est ensuite possible de restituer aux parents les conclusions de l’entretien avec l’accord de l’enfant. Ceci permet de considérer l’enfant comme une personne à part entière, sans exclure les parents. Pour les adolescents, reçus en consultation ou hospitalisés, les pédiatres leur demandent souvent de répondre à un questionnaire assez personnel. Ce dernier peut être utilisé secondairement, et permet d’orienter plus facilement les entretiens et de mieux évaluer la situation personnelle et familiale de ce jeune.