La prise en compte de l’avis de l’enfant et la demande de son consentement pour les soins ne sont pas non plus des démarches habituelles pour un pédiatre. Pourtant le Code de la santé publique dit clairement que « le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ». Lorsqu’on interroge des adolescents guéris d’une leucémie sur le fait de savoir si, au départ, ils étaient d’accord pour recevoir le traitement, la moitié d’entre eux répondent « ne pas avoir eu le choix ». En revanche, la majorité d’entre eux étaient d’accord pour prendre le traitement oral à la sortie de l’hôpital, certains ajoutant : « Je voulais m’en sortir… Je n’avais pas vécu tout ça pour rien. » On voit bien ici que le problème ne se résume pas à celui du consentement, mais que l’adhésion de l’enfant ou de l’adolescent à son traitement est intimement liée à l’information qu’il a reçue, à sa perception de sa maladie et au type d’alliance thérapeutique qui s’est nouée avec le pédiatre et l’équipe soignante.
La participation et le consentement d’un enfant ne se limitent pas aux décisions thérapeutiques, mais se recherchent lors de toutes les étapes de sa prise en charge. Cette participation permet à l’enfant de se sentir acteur contre sa maladie, et de limiter la peur ou le stress engendrés par les examens, les traitements ou les conditions d’hospitalisation. Ainsi, il est toujours utile de demander à un enfant, lorsque le choix est possible, quel type de chambre d’hospitalisation il préfère, quel bras il choisit pour son prélèvement sanguin ou sa perfusion, sous quelle forme il souhaite prendre ses médicaments. Prendre le temps d’expliquer, de convaincre, de faire participer l’enfant est très souvent possible et montre le respect qu’on lui porte. Cela apporte en général une meilleure confiance dans les relations avec l’équipe pédiatrique.
Pour les grands enfants et les adolescents, la législation a beaucoup évolué ces dernières années et autorise le pédiatre à traiter directement avec son patient indépendamment de ses parents. Ce principe avait été initialement introduit pour autoriser les mineures à recourir à l’interruption volontaire de grossesse en dehors de toute participation des parents à l’information et au consentement. Il est maintenant élargi puisque la loi prévoit que «le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’opposerait expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé ». Il est dit aussi que le médecin doit « s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation ». La marge de manœuvre du pédiatre paraît assez large mais le met dans une position difficile. Il doit évaluer le degré de maturité de cet enfant ou de cet adolescent et estimer les risques que représente pour ce jeune l’absence de collaboration du médecin avec ses parents. Les mêmes dispositions ont été prises dans la loi de 2002 qui régit l’accès du patient à son dossier. Le mineur peut s’opposer à l’accès de ses parents à son dossier médical. Là aussi, le médecin est censé s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à la communication de son dossier aux titulaires de l’autorité parentale En pratique, les pédiatres hospitaliers sont maintenant confrontés à des demandes de parents d’accéder au dossier médical de leur enfant, alors que ce dernier est en âge de donner son avis. Ils doivent alors, après avoir apprécié le type d’information recherché par ses parents, informer et demander l’accord de l’enfant, et ce n’est pas toujours simple.
Mais jusqu’où l’avis des enfants et des adolescents doit-il être pris en compte et surtout respecté ? Nous avons l’impression, dans notre pratique, que la parole de l’enfant prend de plus en plus d’importance au fil des années, mais que souvent elle n’est pas suffisamment contrebalancée par celle des parents. En effet, la parole de l’enfant ne peut s’exprimer de façon satisfaisante que dans des situations familiales suffisamment structurées. Lorsque le cadre familial n’est pas adapté, cette parole ne trouve plus de contrepoids et devient démesurée ou inadaptée. Prenons l’exemple d’un grand enfant ou d’un adolescent que l’un de ses parents amène en consultation pour obésité. Il apparaît que cet enfant a une alimentation déséquilibrée, qu’il a peu d’activité physique, qu’il passe beaucoup de temps devant son ordinateur ou sa télévision que ses parents ont installés dans sa chambre. Il souffre manifestement de son obésité et pourtant refuse de changer ses habitudes de vie, que ses parents ont contribué à organiser. Les explications sur les complications liées à sa maladie n’ont en général aucun effet sur son adhésion aux changements proposés. Il est évident que, dans ces situations, le pédiatre ne peut prendre en compte l’avis de l’enfant que s’il ne porte pas préjudice à sa santé. L’évaluation de la situation sociale et familiale prend alors toute son importance et l’aide d’autres professionnels de l’enfance devient souvent indispensable, pour prendre en charge l’enfant et sa famille.